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Le projet de l'Oeuvre

L'Oeuvre

La création

Le barrage de Saint-Étienne-Cantalès a été inauguré par le Général Charles De Gaulle le 1er juillet 1945. Programmé dès avant-guerre, l’essentiel des travaux a été effectué pendant l’Occupation : le chantier, dirigé par un ingénieur qui était aussi le responsable départemental de l’Armée Secrète, fut une base d’appui pour la Résistance.

Le projet Aster,consiste d’abord à dessiner un ciel d’étoiles de mer sur la coquille qu’offre le barrage. Oui, mais quelles étoiles ? Quel ciel ? Pourquoi pas, justement, le ciel de la Libération, celui du 8 mai 1945 ? A cette nuance près qu’il ne s’agit pas seulement de reconstituer ici les constellations qu’on pouvait voir, cette nuit-là, au-dessus du barrage.

À la fin d’une guerre mondiale, il faut un ciel en quelque sorte mondial.

On juxtaposera plutôt, le ciel tel qu’on pouvait le voir dans le Cantal le 8 mai 1945, et tel qu’on pouvait le voir, à la même date, au Cap de Bonne Espérance. Orion, Petit Chien, Gémeaux, Cancer, Hydre femelle, Lion, Lynx. Mais donc également : Loup, Centaure, Mouche ou Abeille, Carène, Poisson volant, Colombe, Grand Chien. Carte impossible.

Carte idéale, celle d’une nuit de liberté retrouvée, à l’unisson dans le monde entier. »

Ciel Sud Hémisphère Nord, Barrage de Saint-Etienne Cantalès

Ciel Sud, Aurillac Le 8 mai 1945 22h hémisphère Nord

Ciel Sud Hémisphère Nord, Barrage de Saint-Etienne-Cantalès.
Dessin du barrage et de la voûte céleste du 8 mai 194.
Orion, Petit Chien, Gémeaux, Cancer, Hydre femelle, Lion et Lynx.

Alors qu’Orion est coupé en deux dans son axe central par l’équateur céleste, le Petit Chien frôle l’horizon et affronte l’Hydre Femelle, qui émerge comme un Loch Ness du lac. Au loin, plus haut le Lynx s’échappe rejoindre la Grande Ourse.

Ciel Sud Hémisphère Sud, Cap de Bonne-Espérance

Ciel Sud, Cap Town Le 8 mai 1945 22h hémisphère Sud

Ciel Sud Hémisphère Sud, Cap de Bonne-Espérance, Afrique du Sud.
Dessin du barrage et de la voûte céleste du 8 mai 1945.
Loup, Centaure, Mouche ou Abeille, Carène, Poisson volant, Colombe, Grand Chien.

Le Grand Chien avec l’étoile Sirius la plus brillante du ciel nocturne, échappe à Orion pour rejoindre la Colombe embarquée dans la Carène. Entre ciel et mer, le Poisson Volant gobe la Mouche aux pieds du Loup terrassé.

Est-ce l’effet des contraintes techniques ? Souvent les barrages hydroélectriques adoptent la forme d’un coquillage. C’est tout particulièrement vrai pour celui de Saint-Étienne-Cantalès. Un coquillage considérablement agrandi, certes. Tant et si bien qu’on pourrait en perdre le sentiment de leur ressemblance. Mais tout de même : comme si le courant de la rivière qui le charriait – car n’existe-t-il pas, on l’oublie souvent, des coquillages d’eau douce ? – l’avait un jour, par hasard, redressé et planté là. Fut-ce d’une manière involontaire, l’architecture, ici, l’artefact, par sa forme même, entre en jeu avec l’élément naturel dont le barrage tire l’énergie, avec ce dont elle procède et qu’elle crée : de l’eau, une rivière, un lac.

C’est ce jeu entre l’artificiel et le naturel, ce jeu aussi entre les échelles, du très petit (le coquillage) au très grand (le barrage) que le présent projet entend explorer et prolonger.

Du coquillage, de la rivière et du lac, on passera cela dit – par un premier de ces déplacements possibles qu’offre l’imaginaire – à ce but ultime pour toute rivière qu’est la mer, et aux étoiles de mer qui s’y trouvent. Car cela permettra aussi un second déplacement : celui qui va de l’étoile de mer à l’étoile tout court, celle qui habite cette fois le ciel.

Il s’agira donc de fixer sur la coquille du barrage des étoiles de mer en céramique émaillée. Sous l’éclat du soleil, le jour, intriguant l’oeil de loin, elles brilleront et dessineront une ou des constellations. Comme si le barrage, tout à coup, pouvait assumer le rôle de l’élément qui l’entoure et dans lequel il s’enchâsse : l’eau miroir. Comme si le ciel s’y reflétait. Sauf que – et c’est le propre de tout miroir – l’image est en quelque sorte inversée. Les étoiles, c’est à dire la nuit, s’y reflètent le jour.

Mais que s’y passera-t-il donc la nuit, ou à ces moments privilégiés de l’aurore et du crépuscule ? Lorsque le soleil ne brille plus, tout devra-t-il se taire ? Les constellations, ces lignes par lequel l’oeil de l’être humain a relié les étoiles, dessinent volontiers un bestiaire : le taureau, le cancer, le capricorne. L’être humain a projeté dans le ciel au dessus de sa tête, l’image des animaux qu’il fréquentait ici-bas. Le barrage, voûte céleste, pourrait de même devenir écran, et accueillir des dessins projetés, des animations d’animaux. Ceux qui sortent du bois, de l’environnement qui entoure le barrage, la rivière et le lac à ces heures-là.

Les sentiers déjà existants, et les belvédères serviront de points privilégiés pour assister à ce spectacle. Comme si, dans le cadre nocturne, le barrage pouvait aussi se transformer en cinéma en plein air. Ou en paroi d’une grotte préhistorique, à l’intérieur de laquelle, à la lumière de la lueur vacillante des torches, Werner Herzog se plaisait à imaginer, dans le film qu’il a consacré il y a quelques années à la Grotte de Chauvet, que les peintures, s’animant, avaient anticipé le cinématographe.

On l’aura bien compris : c’est aussi ce jeu, ou cette coïncidence, entre le primitif et le technologique, l’imaginaire et la science qui intéresse ici.

Réconcilier les éléments, le macrocosme et le microcosme, le naturel et l’artificiel, tel serait en somme l’objectif de cette installation.

N’était-ce pas le rêve, peut-être, des bâtisseurs du barrage, ces réfugiés espagnols et ces résistants ? Une société réconciliée, tournée vers un avenir de bonheur, à construire. L’artificiel, pour cela, ne s’oppose pas toujours au naturel. La science ne s’oppose pas toujours à l’imaginaire. C’est l’un des enjeux cruciaux de notre époque que de s’en souvenir et de s’y projeter.

Moulées sur de véritables étoiles de mer, les étoiles dont se constellera le barrage – en tout, elles seront environ 300 – se déclineront en trois tailles : grandes (40-45 cm de diamètre), moyennes (20-25 cm), petites (15-20 cm). On utilisera, pour les recouvrir, différents types d’émail. Les plus grosses, celles qui constituent les points qui dessinent les constellations, seront recouvertes d’un émail photoluminescent, qui absorbe la lumière du soleil le jour et la restitue lorsqu’arrive la nuit. Entre chien et loup – les deux constellations qui se situeront d’ailleurs à chaque extrémité du barrage – ce sont celles-ci qui s’allumeront. Les autres seront recouvertes d’un émail platine, qui a la caractéristique de refléter la lumière du soleil. Elles brilleront donc en plein jour, attirant l’oeil de loin. C’est un ciel changeant, en mouvement, un ciel vivant comme l’est le vrai ciel, dont toutes les étoiles après tout ne « s’allument » pas en même temps, que proposera ici l’installation. Invitation pour le spectateur à s’arrêter, et bien mieux à revenir, pour vivre, l’expérience à ses différents moments.

La nuit venue, lorsque les étoiles photoluminescentes commenceront à s’estomper, la coquille-ciel du barrage s’animera et s’illuminera encore de façon différente.

Des dessins y seront projetés, qui reprendront le bestiaire ayant servi aux observateurs et aux explorateurs de jadis à nommer les constellations.

Un loup, un chien, un poisson volant, une colombe, etc.

D’abord fixés dans la forme que leur donne, dans le ciel, la disposition factuelle des étoiles, c’est-à-dire assez loin de ce à quoi un chien ou un loup, pour s’en tenir à ces deux seuls exemples, ressemblent véritablement, les constellations quitteront ensuite ce tracé schématique, géométrique.

Les animaux peu à peu retrouveront par le dessin la forme naturelle de leur corps. Ils prendront vie.

Mais pas tous en même temps. Une nuit, ce sera le loup, une autre le chien. Une autre encore le lion ou le lynx. Il faudra au spectateur séjourner un certain temps ou revenir plusieurs fois sur le site, pour en apprécier tous les épisodes.

Un recit chaque soir

Chaque jour de la semaine, dont les noms convoquent les 7 astres visibles à l’oeil nu, les projections à la tombée de la nuit déroulent leurs récits lumineux sur la voûte du barrage. Toutes les vidéos ont leur propre récit avec les animaux des constellations mais aussi les fantômes possibles d’autres animaux. Ainsi le lundi, le loup s’éveille avec les ombres animées qui narguent les poissons volants. Ou encore, le samedi, la baleine émerge de la carène pour rejoindre les eaux du lac ; quand le dimanche, passant sur la constellation du loup les cerfs sortent du bois tandis qu’à l’ouest le chien se frotte sur la paroi.
A chaque soir, son récit en noir et blanc.

projection

Les projections se font sur 2 zones différenciées du barrage et correspondent à deux dessins animés distincts. Les 2 projections en simultanée permettent ainsi la composition d’une frise dans le paysage nocturne du barrage, véritable support à la narration. Les lumières des vidéos permettront aussi la recharge des étoiles photoluminescentes qui apparaitront plus nettement à l’extinction des lumières.
Le dessin animé en blanc sur le fond noir du barrage évoluera aussi bien sur la partie Est que Ouest. La narration se fait au fur à mesure des déplacements du dessin animé sur la paroi.

Textes de Delphine Gigoux-Martin et François Coadou issus du dossier projet.